Pouvez-vous vous présenter succinctement

Je suis Expert Forestier en Région Bourgogne- Franche-Comté depuis près de 22 ans et accompagne divers profils de propriétaires forestiers (particuliers, institutionnels, Association syndicale libre, collectif de propriétaires, scieurs) dans la gestion de leur patrimoine immobilier forestier en appliquant une gestion en futaie irrégulière, gestion à couvert continu des forêts.

Quel fut votre parcours jusqu’aux forêts ?

Très jeune, j’ai découvert le milieu forestier en accompagnant mon Père, lui-même Expert du Comité des forêts. Ces pérégrinations m’ont permis de rencontrer de nombreux forestiers et de forêts de natures variées, me permettant d’entamer ma formation technique et lexicale de la filière bois. Je me suis alors dirigé naturellement vers des études de biochimie et physiologie cellulaire avant d’intégrer l’école forestière de Nancy.

Mon intégration dans la vie professionnelle en décembre 1999 fut marquée par la tempête du siècle !

Combien d’ha gérez-vous et où se situent vos forêts ?

La surface en gestion s’étend aujourd’hui à plus de 14 000 ha avec en sus des interventions plus ponctuelles sur plus de 1 000 ha. Mes interventions étaient cantonnées au départ à mon Territoire et région voisine. Aujourd’hui j’ai la responsabilité de gérer des forêts en Rhône Alpes, Nouvelles Aquitaines et Région Centre. Cette diversité géographique permet d’étendre mes connaissances, de connaître les usages et enjeux spécifiques selon les territoires et de rencontrer de nombreux acteurs de la filière bois.

Comment êtes-vous entré au Comité des Forêts ?

J’ai eu l’honneur de travailler lors de mes débuts avec plusieurs Experts Forestiers renommés du Comité pour parfaire ma formation et de découvrir le fonctionnement interne entre Experts et propriétaires du Comité.  Ces derniers m’ont confié progressivement la gestion de forêts appartenant à des propriétaires adhérents de longue date au Comité des forêts.  Ces diverses expériences m’ont conforté à vouloir poursuivre ma vie professionnelle au sein du Comité des Forêts.

Comment percevez-vous la forêt ? Que représente-t-elle pour vous ?

Avant de débuter ma vie active dans le milieu forestier, j’ai longtemps considéré que la forêt était un sanctuaire immuable… Cette idée angélique de la forêt a évolué avec le temps. Ainsi, tempêtes, attaques parasitaire, canicules m’ont démontré que cet écosystème était fragile et sous la dépendance également de son propriétaire et de ses intervenants. La forêt française est d’une grande diversité et en réalité chaque forêt à sa propre histoire. Le forestier doit rester humble et adapter ses interventions de telle manière que la forêt puisse être résiliente à toutes les évolutions avenir.

Quels sont pour vous le(s) rôle(s) principaux de la forêt ? Avez-vous des projets/envies particuliers pour développer ces rôles dans vos forêts ?

Lors de mon cursus à l’ENGREF, les enjeux multifonctionnels de la forêt étaient largement évoqués. L’économie de la filière bois, la biodiversité, le paysage, l’eau devaient être pris en compte dans la gestion forestière. Aujourd’hui, l’importance de ces enjeux est bien compris de tous confortés par l’évolution du climat et de la pression sociétale.

Aujourd’hui, la gestion forestière est contrainte par de nombreuses règlementations qui peuvent parfois décourager le forestier quant à la complexité administrative de certains dossiers. Depuis quelques années, des collectifs citoyen se sont formés pour défendre la forêt en achetant des parts de groupement forestier contre notamment les coupes rases, la chasse, l’enrésinement intensif etc…….Ces derniers ont acquis des forêts au cours des quinze dernières années atteignant une surface proche des 400 ha. Sollicité par ce collectif, il m’a paru important de travailler avec ces derniers pour infléchir progressivement certaines idées préconçues. Il fallait démontrer qu’une forêt se cultivait et que la notion de rentabilité n’était pas antagoniste aux valeurs environnementales. Bien au contraire, une gestion forestière adaptée pouvait répondre à leurs attentes et améliorait les services écosystémiques qu’offraient leur forêt. Ainsi n’était-il pas plus intéressant pour eux de vendre leurs propres arbres pour favoriser la construction bois sur le territoire ? Ne devaient-ils pas louer la chasse même avec de nombreuses contraintes pour le chasseur afin de se donner les meilleures chances pour renouveler progressivement leur forêt grâce la régénération naturelle et limiter ainsi les dégâts de gibier ?

Aujourd’hui, force est de constater que malgré nos divergences sur certains points, l’intérêt forestier prime et des solutions sont mises en œuvre pour assurer une gestion pérenne et continue de leurs forêts. La gérante originelle m’a confié ses parts de groupement pour me remercier du travail réalisé ensemble et peut-être pour s’assurer à plus long terme d’une continuité de gestion……….

Comment parvenez-vous à articuler gestion durable de la forêt et les intérêts économiques de vos clients ?

La gestion durable des forêts est assurée par le plan de gestion qui suit les orientations forestières définies pour chaque région. Les labels PEFC et FSC viennent renforcés cette gestion durable. Enfin les modalités de gestion en futaie irrégulière appliquées à nos forêts assurent à la fois la gestion durable et les intérêts économiques de nos clients.

Il est très important de répondre aux attentes de nos clients tout en leur apportant nos conseils et notre vision de la gestion à appliquer à leur forêt. Le client reste néanmoins le décideur. L’évolution de la forêt après les coupes instaure une confiance entre le forestier et le propriétaire.

Comment articulez-vous vie professionnelle et vie personnelle ?

C’est un sujet assez délicat. La passion de mon activité passe souvent au détriment de la vie familiale ! Je réserve depuis peu, du temps avec mes enfants qui quitteront prochainement le foyer familial….L’important est d’avoir délivré des valeurs qui leur permettront je l’espère de mieux appréhender leur vie d’adulte.

Comment faites-vous pour transmettre votre passion et vos compétences auprès de la jeune génération.

Je suis souvent sollicité pour partager du temps avec des écoles forestières et/ou lors de formation organisée par le CNPF dans le cadre des Fogefor.

J’ai pu constater récemment que la jeune génération ne se laissait pas forcément influencer par les médias et les réseaux sociaux. Les visites en forêt permettent de montrer le travail réalisé, de confronter nos problèmes de gestionnaire forestier, de faire comprendre que rien n’est jamais acquis et surtout que ce sont eux qui façonneront la forêt de demain. Les images laissent souvent plus des traces que les paroles.