
Une question que tous les forestiers se sont posée au moins un jour est de savoir ce qu’il adviendrait de leur forêt
en l’absence de toute intervention humaine.
Or il existe en France depuis plus d’un siècle des parcelles forestières classées en tant que « réserves biologiques »
dont le suivi permet d’apporter au moins partiellement une réponse à cette question (l’appellation de réserves
biologiques ne concerne que des forêts gérées par l’Office National des Forêts).
Les grands massifs forestiers avaient fait l’objet depuis des siècles de différentes décisions de l’administration royale
concernant leur aménagement sylvicole et des droits de chasse, mais c’est en 1861, par un décret impérial du 13
avril, qu’est instituée la notion de réserve pour une finalité autre que la sylviculture raisonnée, même si déjà en 1853,
des « sanctuaires de la nature », représentant 624 ha avaient été soustraits à l’action des forestiers.
Ce premier décret porte sur 1 094 hectares dans la forêt de Fontainebleau mais vise d’abord à protéger leur
contribution au paysage, en créant « une série artistique » (également souvent appelée « réserves artistiques »). Et
c’est une forme d’aboutissement d’un mouvement engagé quelques décennies avant, considérant la forêt comme
un espace culturel en même temps que se développe un tourisme en forêt : c’est l’époque du romantisme (avec la
fascination pour la nature sauvage), de l’ouverture de la ligne de chemin de fer Paris-Fontainebleau, de la création
de sentiers par Claude-François Denecourt, du succès de l’auberge Ganne à Barbizon. L’école de Barbizon et
l’activisme de ses peintres paysagistes, qui voulaient que l’on laisse s’exprimer la nature, ont d’ailleurs fortement
contribué à l’existence de la série artistique.
Cette approche, de type conservatoire ou restauratoire, s’est affinée avec le temps en distinguant deux types de
réserves biologiques, correspondant à deux missions différentes :
- Les réserves biologiques intégrales dans lesquelles il n’y a aucune intervention humaine, aucune opération
sylvicole à l’exception d’élimination d’essences exotiques invasives ou de sécurisation des voies ; dans ces
réserves, les habitats forestiers sont laissés dans leur dynamique naturelle et spontanée afin de rassembler
des données scientifiques et de contribuer au maintien de la biodiversité.
- Les réserves biologiques dirigées dans lesquelles il y a des interventions humaines pour répondre à un ou
plusieurs objectifs, notamment pour la conservation d’habitats naturels remarquables ou rares, ou bien
d’espèces rares ou menacées.
Les réserves biologiques sont maintenant au nombre de 234 en France (165 dirigées, 70 intégrales, 18 mixtes) et
font l’objet d’un suivi et d’une gestion essentiellement assurés par l’Office National des Forêts.
Ce sont donc d’abord les réserves biologiques intégrales qui sont de nature à répondre à la question liminaire posée,
les différentes essences forestières et le milieu qui les accompagnent dans leur diversité ne subissant aucune
contrainte quant à leur développement. La plus ancienne a été créée à Fontainebleau en 1953, ce qui donne déjà un
certain recul même à l’échelle forestière.
L’évolution « naturelle » du peuplement forestier de ces réserves va différer selon leur milieu, leur composition
initiale, l’âge des peuplements etc.
Pour mieux connaître ce sujet et discuter de cette évolution dans la longue durée des peuplements forestiers, le
Comité des Forêts a prévu une journée en avril 2022 dans la forêt de Fontainebleau (riche de réserves biologiques
intégrales et dirigées) sur ce thème avec la visite, animée par un spécialiste, Vincent Vignon, de plusieurs stations en
forêt. Cette journée donnera aussi l’occasion aux participants d’accéder à quelques espaces peu connus du château
de Fontainebleau et de participer à un échange sur les problèmes